Home
Fictions/Novels
Short Stories
Poems
Essays
Plays
Nonfictions
 
Authors
All Titles
 






In Association with Amazon.com

Home > Authors Index > Victor Hugo > La Legende des Siecles > This page

La Legende des Siecles, a non-fiction book by Victor Hugo

La Legende Des Siecles: La Conscience

< Previous
Table of content
Next >
________________________________________________
_ LA CONSCIENCE

Lorsque avec ses enfants vetus de peaux de betes,
Echevele, livide au milieu des tempetes,
Cain se fut enfui de devant Jehovah,
Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
Au bas d'une montagne en une grande plaine;
Sa femme fatiguee et ses fils hors d'haleine
Lui dirent:--Couchons-nous sur la terre, et dormons.--
Cain, ne dormant pas, songeait au pied des monts
Ayant leve la tete, au fond des cieux funebres
Il vit un oeil, tout grand ouvert dans les tenebres,
Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
--Je suis trop pres, dit-il avec un tremblement.
Il reveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit a fuir sinistre dans l'espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pale et fremissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derriere lui, sans treve,
Sans repos, sans sommeil. Il atteignit la greve
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
--Arretons-nous, dit-il, car cet asile est sur.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes.--
Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes
L'oeil a la meme place au fond de l'horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
--Cachez-moi, cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l'aieul farouche.
Cain dit a Jabel, pere de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le desert profond:
--Etends de ce cote la toile de la tente.--
Et l'on developpa la muraille flottante;
Et, quand on l'eut fixee avec des poids de plomb
- Vous ne voyez plus rien? dit Tsilla, l'enfant blond,
La fille de ses fils, douce comme l'aurore;
Et Cain repondit:--je vois cet oeil encore!--
Jubal, pere de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria:--je saurai bien construire une barriere.--
Il fit un mur de bronze et mit Cain derriere.
Et Cain dit:--Cet oeil me regarde toujours!
Henoch dit:--Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.
Batissons une ville avec sa citadelle.
Batissons une ville, et nous la fermerons.--
Alors Tubalcain, pere des forgerons,
Construisit une ville enorme et surhumaine.
Pendant qu'il travaillait, ses freres, dans la plaine,
Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth;
Et l'on crevait les yeux a quiconque passait;
Et, le soir, on lancait des fleches aux etoiles.
Le granit remplaca la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des noeuds de fer,
Et la ville semblait une ville d'enfer;
L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes;
Ils donnerent aux murs l'epaisseur des montagnes;
Sur la porte on grava: 'Defense a Dieu d'entrer.
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l'aieul au centre en une tour de pierre.
Et lui restait lugubre et hagard.--O mon pere!
L'oeil a-t-il disparu? dit en tremblant Tsilla.
Et Cain repondit:--Non, il est toujours la.
Alors il dit:--je veux habiter sous la terre,
Comme dans son sepulcre un homme solitaire;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien.--
On fit donc une fosse, et Cain dit: C'est bien!
Puis il descendit seul sous cette voute sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre,
Et qu'on eut sur son front ferme le souterrain,
L'oeil etait dans la tombe et regardait Cain. _

Read next: Puissance Egale Bonte

Read previous: Preface De La Premiere Serie

Table of content of La Legende des Siecles


GO TO TOP OF SCREEN

Post your review
Your review will be placed after the table of content of this book