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La Legende des Siecles, a non-fiction book by Victor Hugo

Preface De La Premiere Serie

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_ _Hauteville-House, Septembre 1857,_


Les personnes qui voudront bien jeter un coup d'oeil sur ce livre ne s'en feraient pas une idee precise, si elles y voyaient autre chose qu'un commencement.

Ce livre est-il donc un fragment? Non. Il existe a part. Il a, comme on le verra, son exposition, son milieu et sa fin.

Mais, en meme temps, il est, pour ainsi dire, la premiere page d'un autre livre.

Un commencement peut-il etre un tout? Sans doute. Un peristyle est un edifice.

L'arbre, commencement de la foret, est un tout. Il appartient a la vie isolee, par la racine, et a la vie en commun, par la seve. A lui seul, il ne prouve que l'arbre, mais il annonce la foret.

Ce livre, s'il n'y avait pas quelque affectation dans des comparaisons de cette nature, aurait, lui aussi, ce double caractere. Il existe solitairement et forme un tout; il existe solidairement et fait partie d'un ensemble.

Cet ensemble, que sera-t-il?

Exprimer l'humanite dans une espece d'oeuvre cyclique; la peindre successivement et simultanement sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion, science, lesquels se resument en un seul et immense mouvement d'ascension vers la lumiere; faire apparaitre dans une sorte de miroir sombre et clair--que l'interruption naturelle des travaux terrestres brisera probablement avant qu'il ait la dimension revee par l'auteur--cette grande figure une et multiple, lugubre et rayonnante, fatale et sacree, l'Homme; voila de quelle pensee, de quelle ambition, si l'on veut, est sortie _La Legende des Siecles_.

Le volume qu'on va lire n'en contient que la premiere partie, la premiere serie, comme dit le titre.

Les poemes qui composent ce volume ne sont donc autre chose que des empreintes successives du profil humain, de date en date, depuis Eve, mere des hommes, jusqu'a la Revolution, mere des peuples; empreintes prises, tantot sur la barbarie, tantot sur la civilisation, presque toujours sur le vif de l'histoire; empreintes moulees sur le masque des siecles.

Quand d'autres volumes se seront joints a celui-ci, de facon a rendre l'oeuvre un peu moins incomplete, cette serie d'empreintes, vaguement disposees dans un certain ordre chronologique, pourra former une sorte de galerie de la medaille humaine.

Pour le poete comme pour l'historien, pour l'archeologue comme pour le philosophe, chaque siecle est un changement de physionomie de l'humanite. On trouvera dans ce volume, qui, nous le repetons, sera continue et complete, le reflet de quelques-uns de ces changements de physionomie.

On y trouvera quelque chose du passe, quelque chose du present et comme un vague mirage de l'avenir. Du reste, ces poemes, divers par le sujet, mais inspires par la meme pensee, n'ont entre eux d'autre noeud qu'un fil, ce fil qui s'attenue quelquefois au point de devenir invisible, mais qui ne casse jamais, le grand fil mysterieux du labyrinthe humain, le Progres.

Comme dans une mosaique, chaque pierre a sa couleur et sa forme propre; l'ensemble donne une figure. La figure de ce livre, on l'a dit plus haut, c'est l'Homme.

Ce volume d'ailleurs, qu'on veuille bien ne pas l'oublier, est a l'ouvrage dont il fait partie, et qui sera mis au jour plus tard, ce que serait a une symphonie l'ouverture. Il n'en peut donner l'idee exacte et complete, mais il contient une lueur de l'oeuvre entiere.

Le poeme que l'auteur a dans l'esprit n'est ici qu'entr'ouvert.

Quant a ce volume pris en lui-meme, l'auteur n'a qu'un mot a en dire. Le genre humain, considere comme un grand individu collectif accomplissant d'epoque en epoque une serie d'actes sur la terre, a deux aspects, l'aspect historique et l'aspect legendaire. Le second n'est pas moins vrai que le premier; le premier n'est pas moins conjectural que le second.

Qu'on ne conclue pas de cette derniere ligne--disons-le en passant--qu'il puisse entrer dans la pensee de l'auteur d'amoindrir la haute valeur de l'enseignement historique. Pas une gloire, parmi les splendeurs du genie humain, ne depasse celle du grand historien philosophe. L'auteur, seulement, sans diminuer la portee de l'histoire, veut constater la portee de la legende. Herodote fait l'histoire, Homere fait la legende.

C'est l'aspect legendaire qui prevaut dans ce volume et qui en colore les poemes. Ces poemes se passent l'un a l'autre le flambeau de la tradition humaine. _Quasi cursores_. C'est ce flambeau, dont la flamme est le vrai, qui fait l'unite de ce livre. Tous ces poemes, ceux du moins qui resument le passe, sont de la realite historique condensee ou de la realite historique devinee. La fiction parfois, la falsification jamais; aucun grossissement de lignes; fidelite absolue a la couleur des temps et a l'esprit des civilisations diverses. Pour citer des exemples, la _Decadence romaine_ n'a pas un detail qui ne soit rigoureusement exact; la barbarie mahometane ressort de Cantemir, a travers l'enthousiasme de l'historiographe turc, telle qu'elle est exposee dans les premieres pages de _Zim-Zizimi_ et de _Sultan Mourad_.

Du reste, les personnes auxquelles l'etude du passe est familiere reconnaitront, l'auteur n'en doute pas, l'accent reel et sincere de tout ce livre. Un de ces poemes (_Premiere rencontre du Christ avec le tombeau_) est tire, l'auteur pourrait dire traduit, de l'evangile. Deux autres (_Le Mariage de Roland_, _Aymerillot_) sont des feuillets detaches de la colossale epopee du moyen age (_Charlemagne, emperor a la barbe florie_). Ces deux poemes jaillissent directement des livres de geste de la chevalerie. C'est de l'histoire ecoutee aux portes de la legende.

Quant au mode de formation de plusieurs des autres poemes dans la pensee de l'auteur, on pourra s'en faire une idee en lisant les quelques lignes placees en note avant la piece intitulee _Les Raisons du Momotombo_; lignes d'ou cette piece est sortie. L'auteur en convient, un rudiment imperceptible, perdu dans la chronique ou dans la tradition, a peine visible a l'oeil nu, lui a souvent suffi. Il n'est pas defendu au poete et au philosophe d'essayer sur les faits sociaux ce que le naturaliste essaie sur les faits zoologiques, la reconstruction du monstre d'apres l'empreinte de l'ongle ou l'alveole de la dent.

Ici lacune, la etude complaisante et approfondie d'un detail, tel est l'inconvenient de toute publication fractionnee. Ces defauts de proportion peuvent n'etre qu'apparents. Le lecteur trouvera certainement juste d'attendre, pour les apprecier definitivement, que _La Legende des Siecles_ ait paru en entier. Les usurpations, par exemple, jouent un tel role dans la construction des royautes au moyen age et melent tant de crimes a la complication des investitures, que l'auteur a cru devoir les presenter sous leurs trois principaux aspects dans les trois drames, _Le Petit Roi de Galice, Eviradnus, La Confiance du Marquis Fabrice. Ce qui peut sembler aujourd'hui un developpement excessif s'ajustera plus tard a l'ensemble.

Les tableaux riants sont rares dans ce livre; cela tient a ce qu'ils ne sont pas frequents dans l'histoire.

Comme on le verra, l'auteur, en racontant le genre humain, ne l'isole pas de son entourage terrestre. Il mele quelquefois a l'homme, il heurte a l'ame humaine, afin de lui faire rendre son veritable son, ces etres differents de l'homme que nous nommons betes, choses, nature morte, et qui remplissent on ne sait quelles fonctions fatales dans l'equilibre vertigineux de la creation.

Tel est ce livre. L'auteur l'offre au public sans rien se dissimuler de sa profonde insuffisance. C'est une tentative vers l'ideal. Rien de plus.

Ce dernier mot a besoin peut-etre d'etre explique.

Plus tard, nous le croyons, lorsque plusieurs autres parties de ce livre auront ete publiees, on apercevra le lien qui, dans la conception de l'auteur, rattache _La Legende des Siecles_ a deux autres poemes, presque termines a cette heure, et qui en sont, l'un le denoument, l'autre le commencement: _La Fin de Satan, Dieu_.

L'auteur, du reste, pour completer ce qu'il a dit plus haut, ne voit aucune difficulte a faire entrevoir, des a present, qu'il a esquisse dans la solitude une sorte de poeme d'une certaine etendue ou se reverbere le probleme unique, l'Etre, sous sa triple face: l'Humanite, le Mal, l'Infini; le progressif, le relatif, l'absolu; en ce qu'on pourrait appeler trois chants, _La Legende des Siecles, La Fin de Satan, Dieu_.

Il publie aujourd'hui un premier carton de cette esquisse. Les autres suivront.

Nul ne peut repondre d'achever ce qu'il a commence, pas une minute de continuation certaine n'est assuree a l'oeuvre ebauchee; la solution de continuite, helas! c'est tout l'homme; mais il est permis, meme au plus faible, d'avoir une bonne intention et de la dire.

Or l'intention de ce livre est bonne.

L'epanouissement du genre humain de siecle en siecle, l'homme montant des tenebres a l'ideal, la transfiguration paradisiaque de l'enfer terrestre, l'eclosion lente et supreme de la liberte, droit pour cette vie, responsabilite pour l'autre; une espece d'hymne religieux a mille strophes, ayant dans ses entrailles une foi profonde et sur son sommet une haute priere; le drame de la creation eclaire par le visage du createur, voila ce que sera, termine, ce poeme dans son ensemble; si Dieu, maitre des existences humaines, y consent. _

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