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La Legende des Siecles, a non-fiction book by Victor Hugo

Au Lion D'androcles

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_ La ville ressemblait a l'univers. C'etait
Cette heure ou l'on dirait que toute ame se tait,
Que tout astre s'eclipse et que le monde change.
Rome avait etendu sa pourpre sur la fange.
Ou l'aigle avait plane, rampait le scorpion.
Trimalcion foulait les os de Scipion.
Rome buvait, gaie, ivre et la face rougie;
Et l'odeur du tombeau sortait de cette orgie.
L'amour et le bonheur, tout etait effrayant.
Lesbie en se faisant coiffer, heureuse, ayant
Son Tibulle a ses pieds qui chantait leurs tendresses,
Si l'esclave persane arrangeait mal ses tresses,
Lui piquait les seins nus de son epingle d'or.
Le mal a travers l'homme avait pris son essor;
Toutes les passions sortaient de leurs orbites.
Les fils aux vieux parents faisaient des morts subites.
Les rheteurs disputaient les tyrans aux bouffons.
La boue et l'or regnaient. . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rome horrible chantait. Parfois, devant ses portes,
Quelque Crassus, vainqueur d'esclaves et de rois,
Plantait le grand chemin de vaincus mis en croix;
Et, quand Catulle, amant que notre extase ecoute,
Errait avec Delie, aux deux bords de la route,
Six mille arbres humains saignaient sur leurs amours.
La gloire avait hante Rome dans les grands jours,
Toute honte a present etait la bienvenue.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Epaphrodite avait un homme pour hochet
Et brisait en jouant les membres d'Epictete.
Femme grosse, vieillard debile, enfant qui tette,
Captifs, gladiateurs, chretiens, etaient jetes
Aux betes, et, tremblants, blemes, ensanglantes,
Fuyaient, et l'agonie effaree et vivante
Se tordait dans le cirque, abime d'epouvante.
Pendant que l'ours grondait, et que les elephants,
Effroyables, marchaient sur les petits enfants,
La vestale songeait dans sa chaise de marbre.
Par moments, le trepas, comme le fruit d'un arbre,
Tombait du front pensif de la pale beaute;
Le meme eclair de meurtre et de ferocite
Passait de l'oeil du tigre au regard de la vierge.
Le monde etait le bois, l'empire etait l'auberge.
De noirs passants trouvaient le trone en leur chemin,
Entraient, donnaient un coup de dent au genre humain,
Puis s'en allaient. Neron venait apres Tibere.
Cesar foulait aux pieds le Hun, le Goth, l'Ibere;
Et l'empereur, pareil aux fleurs qui durent peu,
Le soir etait charogne a moins qu'il ne fut dieu.
Le porc Vitellius roulait aux gemonies.
Escalier des grandeurs et des ignominies,
Bagne effrayant des morts, pilori des neants,
Saignant, fumant, infect, ce charnier de geants
Semblait fait pour pourrir le squelette du monde.
Des tortures ralaient sur cette rampe immonde,
Juifs sans langue, poltrons sans poings, larrons sans yeux;
Ainsi que dans le cirque atroce et furieux
L'agonie etait la, hurlant sur chaque marche.
Le noir gouffre cloaque au fond ouvrait son arche
Ou croulait Rome entiere; et, dans l'immense egout,
Quand le ciel juste avait foudroye coup sur coup,
Parfois deux empereurs, chiffres du fatal nombre,
Se rencontraient, vivants encore, et, dans cette ombre,
Ou les chiens sur leurs os venaient macher leur chair,
Le cesar d'aujourd'hui heurtait celui d'hier.
Le crime sombre etait l'amant du vice infame.
Au lieu de cette race en qui Dieu mit sa flamme,
Au lieu d'Eve et d'Adam, si beaux, si purs tous deux,
Une hydre se trainait dans l'univers hideux;
L'homme etait une tete et la femme etait l'autre.
Rome etait la truie enorme qui se vautre.
La creature humaine, importune au ciel bleu,
Faisait une ombre affreuse a la cloison de Dieu;
Elle n'avait plus rien de sa forme premiere;
Son oeil semblait vouloir foudroyer la lumiere;
Et l'on voyait, c'etait la veille d'Attila,
Tout ce qu'on avait eu de sacre jusque-la
Palpiter sous son ongle; et pendre a ses machoires,
D'un cote les vertus et de l'autre les gloires.
Les hommes rugissaient quand ils croyaient parler.
L'ame du genre humain songeait a s'en aller;
Mais, avant de quitter a jamais notre monde,
Tremblante, elle hesitait sous la voute profonde,
Et cherchait une bete ou se refugier.
On entendait la tombe appeler et crier.
Au fond, la pale Mort riait sinistre et chauve.
Ce fut alors que toi, ne dans le desert fauve
Ou le soleil est seul avec Dieu, toi, songeur
De l'antre que le soir emplit de sa rougeur,
Tu vins dans la cite toute pleine de crimes;
Tu frissonnas devant tant d'ombre et tant d'abimes;
Ton oeil fit, sur ce monde horrible et chatie,
Flamboyer tout a coup l'amour et la pitie;
Pensif tu secouas ta criniere sur Rome;
Et, l'homme etant le monstre, o lion, tu fus l'homme. _

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